Bonjour Cédric,
Tu es de retour sur notre région avec de belles expériences à nous raconter !
Peux-tu s'il te plait te présenter en quelques mots?
Cédric : Je m’appelle Cédric, je suis originaire de Haute Savoie et passionné depuis tout petit, par les animaux, les minéraux et les plantes. Quand j’étais enfant, j’ai élevé tout un tas de rongeurs et reptiles avant de me rapprocher de la passion de mon père, paysagiste, les végétaux. Je suis entré en lycée agricole à partir de la 3e, à l’ISETA, sur le site de Chavanod, puis j’ai été au Bocage, faire mon BEPA. Diplômé, j’ai travaillé deux ans en vente, dans une jardinerie et suis parti pour un voyage initiatique, avec des amis, un an, en Amérique Latine. On a passé ensemble un mois au Mexique et un mois en Amérique Centrale. Je les ai ensuite quittés pour réaliser mon rêve d’enfant : voir l’Amazonie. J’ai finalement passé neuf mois au Pérou, auprès de guérisseurs du Centre Takiwasi pour découvrir les plantes médicinales, notamment celles utilisées pour soigner les patients toxicomanes, un savoir ancestral, très utilisé par la population locale et reconnu par l’Etat. J’ai travaillé dans le jardin botanique du centre et j’ai aussi participé à des excursions avec des botanistes locaux qui travaillaient sur des orchidées en voie d’extinction. A mon retour en France, j’ai repris mes études en Bac Pro horticole au CFA de de saint marcel, en apprentissage, alternant l’école et l’entreprise, chez Lamberlin, à Aix les bains. Par la suite, je suis parti sur Besançon faire une année de spécialisation, en formation jardinier botaniste au centre d’apprentissage de Chateaufarine, dans le Doubs ; une formation pointue, créée à l’initiative des Jardins Botaniques Francophones (JBF) pour former initialement les équipes internes aux nouvelles missions qui incombent aux Jardins Botaniques. Outre l’entretien, ces jardins ont vocation à participer à la conservation de la biodiversité et à contribuer aux dialogues entre scientifiques et tout public. Les cours y sont à la fois très techniques, pratiques et exigeants. Il faut une moyenne de 14 pour valider son diplôme. On y apprend la biologie végétale, la botanique de terrain, la législation des espaces naturels, les aspects environnementaux, la médiation scientifiques... On pourrait penser que ce diplôme prépare à un métier très spécialisé, avec peu de débouchés, mais si la botanique est en perte de vitesse en France, il n’en est rien dans le monde, notamment dans les zones tropicales et, ce diplôme ouvre la porte de bien d’autres métiers dans les conservatoires, les bureaux d’études…
Où as-tu travaillé ensuite ?
Cédric : J’ai eu la chance de réaliser un de mes rêves en intégrant le jardin botanique de Besançon où j’étais en apprentissage 3 ans plus tôt. Le jardin botanique de Besançon aurait été créé vers 1580 et aurait été déplacé sur une dizaine de sites différents de la ville. Il est le 2e plus vieux de France, après celui de Montpellier. L’actuel jardin, fermé depuis décembre 2017 – pour cause de déménagement sur le campus de la Bouloie - existe depuis 1957, place Leclerc. Il dépend à la fois de la ville de Besançon et de l'université de Franche-Comté. Il est riche d'environ 5 000 espèces de plantes botaniques réparties sur 1 hectare dans des milieux reconstitués représentatifs de la Franche-Comté et du monde entier et une collection de graines importante. Depuis quelques années, nous avions beaucoup d’incertitude sur sa pérennité. Nous étions 4 jardiniers à temps plein et 1 à mi-temps, une responsable scientifique chargée de la détermination des plantes, un médiateur scientifique chargé des animations et le directeur. Nous avons préparé son déménagement, d’abord avec les serres, dans l’orangerie, puis les jardins et les ateliers, avec la peur à chaque fois, de perdre des plantes très fragiles dont certaines sont éteintes ou en voie de disparition dans leurs aires d’origines. Les travaux de création du futur jardin, sur le site de la Bouloie, ont débuté fin mai 2022, pour une réouverture, fin 2024, d’un « jardin de la découverte » qui aura à la fois une dimension botanique mais aussi écologique.
Une plante sans étiquette, ça ne vaut rien
Quelles sont tes missions?
Cédric : Une journée type, c’est d’abord des travaux d’entretien, du désherbage, de la taille, de la production avec pour chaque plante, un substrat souvent à la carte, beaucoup d’étiquetage, car chaque plante a son étiquette avec des indications précises et traçables sur la valeur scientifique de la plante, enregistrée dans une base de donnée, l’organisation de visites pédagogiques pour la Fête de la Sciences, les Rendez-vous au jardin, les Journées Européennes du Patrimoine, des cours à préparer et donner à la FAC, avec des licences Bio ou les 1ères années de Pharma.
Qu'est-ce qui te plait dans ce métier ?
Cédric : Ce qui me plait dans ce métier, c’est l’approche interdisciplinaire. J’ai pu toucher à tout et en particulier, tout ce qui a trait à l’enseignement et à la conservation Ex situ. En 8 ans, j’ai suivi de A à Z la mission de conservation de plantes menacées notamment un vaste programme de conservation en faveur du Saxifrage œil de bouc une plante menacée d’extinction en France. J’ai donc participer à ce projet en partenariat avec nos collègues du Conservatoire Botanique National de Franche Comté (CBNFC). En effectuant les demandes de subvention à la DREAL , le suivi l’expérimentation, des tests de vernalisation, la germination sur graines pour optimiser la germination, des tests comparatifs de substrats avec des relevés in situ et ex situ, puis la production à grande échelles des plants jusqu’à la réintroduction en pleine nature. Nous devions aussi analyser les facteurs de réussite ou de mortalité, lors de la réintroduction de la plante dans la nature, ici des tourbières du Jura. Nous avons ainsi pu constater qu’à 900m, la tourbière qui abritait la dernière station Naturelle, était en souffrance en raison du réchauffement climatique, nous avons donc priorisé les sites plus en altitude avec par exemple, la tourbière des Rousses où les conditions hydrologiques sont plus stables, avec à la clef des plantes qui se sont bien implantées !
Pourquoi avoir choisi le Lycée Costa de Beauregard et cette formation?
Cédric : J’ai entendu parlé du lycée du Bocage en 3e techno et aussi par le biais de ma marraine qui avait suivi une formation en horticulture ici. J’ai finalement choisi cet établissement en raison de la présence d’une exploitation sur le site.
Où as-tu fait tes stages?
Cédric : J’ai fait mes stages aux Espaces Verts de la ville d’Annecy et chez un horticulteur en Haute Savoie. Ce que j’aimé dans ces stages c’était de voir toutes les facettes de l’horticulture : le maraichage, la pépinière… On a pu voir différentes choses !
Je n’aurai jamais pensé pouvoir en être capable avant.
Que t'a apporté le lycée?
Cédric : Ma passion ! Le lycée m’a conforté dans mon projet. A l’époque, j’étais plutôt timide, discret. C’est grâce au regard de certaines personnes qui ont su dépasser les apparences pour me connaitre, que j’ai pris confiance en moi. Après le Bocage, j’ai découvert au plateau des Glière, un nouvel hybride naturel de grassette (entre Pinguicula grandiflora subsp. Rosea x Pinguicula vulgaris). Je n’avais pas le niveau universitaire pour publier, mais je m’étais amusé à faires des relevés morphologiques mais quelques mois plus tard, une personne publiait sa découverte et la nommait Pinguicla x gresivaudanica car lui l’avait observée dans les massifs bordant la Vallée du Grésivaudan… J’ai néanmoins échangé mes données avec lui et été cité dans ses recherches. De même, à Malaga, en stage 3 mois au jardin botanique, je m’étais amusé à faires des relevés phyto-sociologiques sur une plante carnivore (Drosophyllum lusitanicum) avec lesquels j’ai écrit un article. Je n’aurai jamais pensé pouvoir en être capable avant.
Qu'est-ce qui t'a plu au lycée?
Cédric : J’ai aimé travailler auprès de professeurs passionnés et de fait, passionnants. Je me souviens de Jean-Yves Dupuis et aussi de Nadège qui était cheffe de culture à l’exploitation. J’ai aimé la liberté que nous avions de monter des projets. J’étais interne et à l’exploitation, Nadège m’avait laissé un espace pour suivre la culture de mes plantes carnivores, dont je m’occupais sur le temps de la récréation. J’ai même pu les vendre à Saint Michel de Maurienne, sur une foire aux plantes ou le lycée tenait un stand. J’avais pu aussi m’amuser à monter un système en hydroponie pour cultiver des tomates qui avait été exposé aux portes-ouvertes…
Soyez fier de ce que vous faites et de qui vous êtes
Quels conseils donnerais-tu aux futurs étudiants ?
Cédric : Faites valoir vos connaissances ! On peut avoir un « petit niveau scolaire » et pour autant être très pointu dans un domaine de prédilection et de passion. Soyez fier de ce que vous faites et de qui vous êtes. Ne perdez pas de vue vos passions et de rester curieux. Quand on est passionné et curieux, on retient tout sans difficulté et on est capable de transmettre aux autres avec facilité. Avec Internet, beaucoup de monde perd de vue la démarche scientifique de trouver par soi-même, de s’interroger, on se contente de travail prémâché.
Quelle est ta plante préférée ?
Passionné de plantes carnivores, ma plante préférée est un groupe de plante : les grassettes de genre Pinguicula car j’ai pu beaucoup les observer à la fois en montagne et en culture. Ce sont quasiment les seules plantes que je garde en collection aujourd’hui faute de temps avec ma nouvelle vie de famille.