"L’essentiel est invisible pour les yeux", rencontres autour du handicap.

Dans le cadre de la semaine Santé et Développement Durable des élèves de seconde Horticulture et Paysage, les élèves ont eu l’intervention de deux personnes déficientes visuelles.

le Vendredi 04 juin 2021

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Dans le cadre de la semaine Santé et Développement Durable des élèves de seconde Horti et Paysage, vendredi 4 juin, les élèves ont eu l’intervention de deux personnes déficientes visuelles : Yves Vandenabeele, maître de chien guide d’aveugle, accompagné de Junko, son chien éviteur d’obstacles et de Didier Maneval, ancien sportif de haut niveau, Ambassadeur de la région Auvergne-Rhône-Alpes Sport et Handicap.

 

Pour nos élèves, ces rencontres sont l'occasion de mieux connaitre le handicap et de voir que l’on peut surmonter les difficultés que l’on peut rencontrer au cours de sa vie, quand on s’en donne les moyens.

 

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Yves est voisin de la Fondation du Bocage. Il nous raconte qu’il a été, dans le passé, conducteur de train à la SNCF et qu’une maladie l’a peu à peu rendu aveugle. Aujourd’hui retraité, il ne voit presque plus rien et a demandé à l’école de chiens guides d’aveugles de Lyon et du Centre-Est, la possibilité d’être accompagné. C’est au centre d’élevage de Clermont-Ferrand que Junko a été sélectionné pour lui, car « on ne choisit pas ce chien qui ne nous appartient pas ». Ces chiens certifiés passent 2 ans en famille d’accueil, de week-end et relais avant de se préparer avec un éducateur à leur métier : éviter les obstacles. Dans ce travail, le chien agit par plaisir, par jeu en étant capable de faire abstraction de toutes les autres distractions, mais il ne peut se concentrer qu’environ 3h par jour, en vivant par ailleurs, sa vie de chien. 30% des chiens formés n’iront pas au bout du programme et seront réformés. Il en va de la sécurité de la personne non-voyante accompagnée. A l’origine, les chiens choisis pour accompagner les aveugles étaient les bergers allemands. Petit à petit d’autres espèces ont été sélectionnées comme chiens d’assistance : les caniches royaux (qui conviennent aux allergiques), les labradors ou golden retrievers, les border collies, les lévriers russes... Avec l’attestation de leur maître, ils sont les seuls à pouvoir entrer partout, notamment dans les magasins, à l’exception des zones de soin et de fabrication d’alimentation.

Junko n’est pas un chien

Junko a 7 ans. C’est un magnifique labrador noir, à l’œil expressif, de 36 kilos. Calme et attentif, il vit et accompagne Yves, son maître, depuis 2016. Après 6 mois de période de probation pour l’un et l’autre, ils se sont adoptés mutuellement pour ne pas dire qu’ils se sont trouvés ! C’est là tout l’art des écoles labellisées : trouver le bon chien pour la bonne personne. Une personne majeure (même si une école prépare maintenant des chiens pour des adolescents), apte et qui justifie le besoin d’un chien. Junko ne reconnait pas les couleurs, mais il ne va jamais traverser une rue de lui-même. Il est capable d’anticiper les obstacles, de choisir le meilleur itinéraire pour son maître, de retrouver la maison, quelques magasins comme la boucherie qui lui donne en récompense un bout de jambon, les gens, à leurs odeurs… son premier éducateur et le vétérinaire notamment. Junko évite même les bornes d’égouts ! La seule chose qui l’effraie, ce sont les pétards, les pots d’échappement pétaradants et les feux d’artifice. En dehors de cela, le chien est aux ordres. Si Yves ne veut plus de lui ou ne peut plus s’occuper de lui, il pourra prendre sa retraite à 12 ans, dans une famille prévue à cet effet.

 

Au récit d’Yves, on apprend qu’il faut demander l’autorisation du propriétaire pour pouvoir caresser le chien « au travail », même si Yves n’aime pas ce mot, c’est-à-dire quand Yves le tient au guidon. Vis-à-vis de lui et de son handicap, il apprécie quand une personne veut lui apporter de l’aide, que celle-ci lui propose avant d’agir. En général 80% de la communication est visuelle, pour lui ce sont les 20% auditifs qui comptent, alors usez de la parole, sans pour autant élever la voix, avec des gens aveugles !

 

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« Tout est noble quand on veut travailler »

Avec Didier, le ton est donné, « je tutoie tout le monde car je ne vous vois pas ! ». Didier nous raconte son parcours. Fils d’une maman enseignante et pianiste, issu d’une famille nombreuse, il rêve de devenir instituteur, mais sa passion pour le cyclisme lui prend beaucoup de temps. Il devient même sportif de haut niveau ! A côté, il fait des études de menuisier-ébéniste et passe son CAP. Plus tard, il reprendra les études pour obtenir un Bac +2 et pouvoir enseigner. Malheureusement, contraint par un cancer de l’estomac, il ne pourra atteindre son rêve et reprendre le sport tout de suite.

Pire, en janvier 2001, il perd la vue. Son monde s’écroule : plus de sport, plus de travail. « J’ai voulu en finir » nous confie-t-il à demi-mot, mais sa femme, d’origine italienne, et ses enfants ont raison de lui. Pour eux, il va se bagarrer et tout tourner de manière positive. Pour y arriver, il n’y a pas de secret, il faut le vouloir ! Vouloir se battre, vouloir braver la vie et par chance, petit à petit, d’autres sens s’enrichissent…

 

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Décidé à vivre à 200%, il reprend le vélo, en tandem, et devient champion de France handisport, quadruple champion de France en tandem sur piste et sur route. Malgré son handicap visuel, il continue à vivre sa passion et roule toujours en cyclosportive, ce qu’il appelle « l’handivalisme », avec de la famille, des amis, comme Laurent Wauquiez et d'anciens sportifs, comme Bernard Hinault.

Depuis 3 ans, il s’est découvert une passion musicale et joue du piano à l’oreille, sans connaitre le solfège. Il s’investit dans sa ville du Chambon sur Lignon, en Haute Loire, aux municipales comme 6e adjoint au maire, responsable de la commission sports et de la vie associative. Il est également ambassadeur au niveau régional des questions de sport et handicap et intervient fréquemment auprès des jeunes, en établissement scolaire pour leur parler de son quotidien : comment choisir sa tenue vestimentaire, comment cuisiner, comment écrire un texto à un ami, quand on ne voit pas… Il nous fait la démonstration sous nos yeux qu’il peut facilement envoyer un message grâce à SIRI, à Jean-François, l’ami qui l’accompagne.

“On ne voit bien qu’avec le cœur. L’essentiel est invisible pour les yeux.”

Ce à quoi Didier répond qu’il écoute mieux, qu’il entend mieux, qu’il a développé des facultés mémorielles et une proximité humaine importante pour contourner son handicap. Il adore lire (comprenez écouter des histoires), jouer à la pétanque, s’adonner à la course à pied, à la marche en duo et au ski de fond. A le voir, il n’y a pas de limite à son handicap ! Au contraire, il a une vision plus profonde, comme il aime à le dire. La beauté et la richesse de l’homme est invisible, comme le dit le Petit Prince de Saint-Exupéry.

 

Ses seuls regrets sont de ne pas connaître le visage de ses cinq petits-enfants, ni de voir grandir ses trois grands, de ne plus pouvoir admirer les paysages, ni conduire, mais qui sait, si une opération prochaine pourra lui redonner ce qu’il a perdu…

En attendant, son leitmotiv est de vivre comme si son handicap n’en était pas un, ce qui l’a aidé à changer d’état d’esprit. Tout travail sur soi, comme tout apprentissage, est bénéfique ! Heureusement, il y a une justice !

 

Il est déjà temps de nous quitter. Didier prend son marqueur et écrit au tableau qu’il était très heureux de passer ce moment avec nous dans une écriture presque parfaite et sans déborder sur les murs. On se promet de se retrouver l’an prochain pour jouer ensemble à la pétanque !

 

Merci à la Région Auvergne-Rhône-Alpes d'avoir permis ces deux belles rencontres !