L'affection dans l'éducation

La Chronique des Salésiens: cette semaine, le père Jean-Marie Petitclerc, salésien de Don Bosco, éducateur, coordinateur du réseau Don Bosco Action Sociale (DBAS) nous parle de l'amorevolezza.

le Mercredi 01 déc 2021

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"Sans affection, pas de confiance, sans confiance, pas d'éducation", c'est ainsi que l'on aime résumer la pensée éducative de Don Bosco qui prenait en compte l'affectivité dans l'instauration de la relation éducative, mais dans le contexte actuel de notre société marquée par les accusations sur les rares dérives, aux conséquences dramatiques pour les victimes, pointées dans le rapport de la CIAISE, cette question de la place de l'affection dans la relation éducative ne peut manquer de se poser. Rappelons que Jean Bosco utilisait un terme singulier, malheureusement intraduisible en français, celui d'amorevolezza.

 

Que voulait-il dire par là ?

Ce terme conjugue à la fois l'affection, "amore", et l'éclairage par la raison, "volezza", autrement dit, il s'agit d'une affection raisonnée, guidée par une intention éducative explicite, destinée à créer les conditions de l'alliance, indispensable selon lui, entre le jeune et l'éducateur. Celle-ci nécessite la mise en place d'une juste distance entre l'adulte et le jeune. J'utilise le mot "juste" dans ses deux acceptations : la justesse du positionnement, il s'agit pour reprendre les termes de Xavier Thévenot, un grand théologien, moraliste salésien qui m'a profondément marqué, d'être toujours suffisamment proche pour ne pas être indifférent, mais aussi suffisamment distant pour ne pas être indifférencié et la justice, il s'agit d'éviter que l'instauration d'une relation préférentielle, avec un enfant ne vienne nuire à la qualité de la relation avec les autres. Dans la lettre circulaire qu'il expédia de Rome en 1884, 4 années avant sa mort, à tous les directeurs des œuvres salésiennes, il insistait sur le fait que non seulement les jeunes souhaitent aimer, mais surtout, qu'ils se sachent aimés.

 

Comment interpréter cette parole qui aujourd'hui pourrait prêter à confusion ?

En s'exprimant ainsi, Don Bosco nous rappelle que l'important ne réside pas dans le sens que l'éducateur donne aux mots qu'il utilise ou dans l'intention de la posture qu'il adopte mais dans la manière dont l'enfant comprend ce mot et interprète cette attitude. Et si selon lui, l'éducation relève plus de l'art que de la science, c'est qu'un tel ressenti est totalement singulier et qu'il s'agit d'être tout le temps à l'écoute de ce que ressent l'enfant. Lorsque durant une formation, je suis interrogé par un stagiaire éducateur, « puis-je toucher l'enfant », je réponds, « cela dépend » et quand il me demande « de quoi ? », je réponds « du ressenti de l'enfant ». Si l'éducateur dépose un geste affectueux et si l'enfant le ressent comme un attouchement, il faut s'abstenir. La boussole de l'éducateur doit toujours être le ressenti de l'enfant, ceci constitue à mes yeux, la meilleure prévention des abus. Que d’écarts, dont on se rend compte aujourd'hui de la portée dramatique des victimes, auraient pu être évités, si les clercs auteurs de ces actes, avaient intégré ce conseil de Jean Bosco.

 

Retrouvez l'interview de Jean-Marie Petitclerc sur RCF.