A cette jeunesse bien-aimée !

Lettre du père Xavier à nos jeunes... Car la jeunesse n’est pas une question d’âge, c’est d’abord de garder envers et contre tout un coeur capable d’aimer, des mains capables de poser des actes éternels, une bouche capable de porter une Bonne Nouvelle...

le Lundi 09 nov 2020

Ange Ange  

 

Cher jeune,


Tu avais sans doute des projets plein la tête …

Tu avais noté à l’agenda tant de soirées et de fêtes…

Tu devais peut-être même célébrer toi-même ton anniversaire …

Depuis quelques jours, comme c’était déjà le cas il y a quelques mois, tu as dû mettre tout cela entre parenthèse. On t’a dit que c’était pour le bien de tes proches. Mais tu as tant besoin de voir tes amis et de traîner gratuitement avec eux … simplement, être là, sans pourquoi, et croquer la vie à pleine dents … cette vie-ci, non pas celle de l’au-delà, mais bien celle d’ici-bas… Car la question n’est pas tant de savoir s’il y a une vie après la mort, mais d’abord s’il y a une vie avant la mort !


Certains de ma génération t’accusent d’avoir réveillé ce fichu virus parce que tu continues à t’inscrire avec les autres jeunes de ton âge dans cet élan de vie, envers et malgré tout. D’ailleurs, tu le fais souvent, reconnaissons-le, avec beaucoup plus de responsabilités et d’engagement que ma propre génération. Qui suis-je, dès lors, pour me présenter devant toi en donneur de leçons ?
Tu as peut-être aussi perdu quelques êtres chers pendant cette période, avec la rage de ne pas avoir pu les accompagner comme tu aurais souhaité pour ce passage vers l’autre rive de la vie.


Chaque jour, j’approche un peu plus de ma quarantaine, celle liée à l’âge bien sûr, mais celle peut-être aussi liée à la maladie ou à la conséquence d’avoir été en contact avec un malade. Il paraît que cette quarantaine fait souvent entrer dans une crise … Puis-je encore craindre crise plus profonde que celle dans laquelle nous sommes immergés toi et moi depuis ces quelques mois ?

Comme toi et comme les sept milliards d’autres êtres humains qui peuplent notre maison commune, je suis exposé à être touché de plein fouet par ce microbe invisible. Il me rappelle que mon souffle vital, ce petit rien qui s’accroche jour après jour à l’amour, peut s’arrêter à tout moment face à l’épreuve de la maladie ou d’un accident. S’il y a bien quelque chose depuis le jour de notre naissance que nous partageons tous au-delà de nos différences c’est cette certitude que nous allons mourir un jour. Au moins, sur ce point-là, serait-ce le seul ? Nous savons que tous les êtres humains depuis le début de notre voyage sur terre, nous sommes égaux. Alors, s'il m'arrivait un jour - et ça pourrait être demain – de devoir quitter ce monde, qu’est-ce que je ferais de plus, qu’est-ce que je ferais de moins ?

Arrêtais-je de me lever le matin, de sortir les poubelles ou mon vélo, de prendre l’apéro ou le métro, de me retrouver avec les potos ou les collègues du boulot ?

 

Si je devais partir demain, je ne voudrais pas te quitter sans t’adresser ces trois mots : pardon, merci, s’il te plaît.

 

Pardon !

Pardon, cher jeune, de t’avoir plongé dans un monde sans repère, où seule la course à l’argent et à la surconsommation donne un sens à l’existence. Pardon de t’avoir fait croire que nous étions les propriétaires de ce monde, où les puissants exploitent la Création et le Vivant, où celui qui crie le plus fort a toujours raison, où l’indifférence me fait fermer les yeux sur la souffrance.


Merci !

Merci, cher jeune, de m’inviter du haut de ton innocence et de ta fraîcheur à oser prendre des risques, à refuser de croire que la colombe à rater son envol, à faire confiance à la vie, à croire en un avenir meilleur qui grandit sur les racines de l’amitié et de la fraternité.


S’il te plaît …

S’il te plaît, cher jeune, n’abandonne pas ! Continue à bondir de ton canapé et à me réveiller ! Mets la pagaille dans la douceur et la bienveillance pour me faire descendre du balcon de mes certitudes. Sauve-moi, non seulement de cette épidémie, mais surtout de mon orgueil et de mon égoïsme. S’il te plaît, pour que cette année 2020 ne soit pas vain, prends-moi par la main et menons ensemble les combats qui sont les tiens, qui sont les miens, qui sont ceux de tous les terriens, de tous les "t'es rien" …

 

Moi non plus, je ne suis rien, mais ensemble nous écrirons le jour de demain.

S’il te plaît, aide-moi à espérer que 2020 sera définitivement l’entrée dans un monde en « Avent », un monde allant vers … Comme le disait mon ami Nietzsche : « il faut avoir du chaos en soi pour accoucher d’une étoile qui danse ». Comme cette petite graine enfouie dans le silence de la terre et qui explose en silence au cœur-même de l’hiver, prémisse d’un nouveau printemps. Comme un cri au milieu de la nuit pour annoncer l’arrivée du matin.

S’il te plaît, ta vie comme la mienne ne tient à rien, mais elle contient l’espérance de l’humanité si elle se laisse aimer, semer et germer …

 

Car la durée de la vie ne dépend pas des années passées sur terre, mais des fractions de secondes que nous consacrons à apprendre à aimer.


Voilà, cher jeune, c’étaient mes trois derniers mots … ou les trois premiers d’une aventure qui se poursuit et qui s'invente…

Jeune d’aujourd’hui et de demain, quel que soit ton âge, je t’aime ! Car la jeunesse n’est pas une question d’âge, c’est d’abord de garder envers et contre tout un coeur capable d’aimer, des mains capables de poser des actes éternels, une bouche capable de porter une Bonne Nouvelle, des oreilles capables d’écouter le cri de la Terre et de nos frères…

 

Merci encore pour ta jeunesse ! Que chaque instant de ta vie s’inscrive dans l’éternité. Car la durée de la vie ne dépend pas des années passées sur terre, mais des fractions de secondes que nous consacrons à apprendre à aimer. Tu le sais : "quand on n'a que l'Amour à offrir en partage, nous avons dans nos mains, ami, le monde entier".

Alors maintenant, que faisons-nous ?
Dans la joie de te lire ...
Prends bien soin de toi et de tes proches,

 


Ton frère et ami,

Père Xavier, Salésien de Don Bosco