Du Côté de Camille... Les revenants

On a vu comment le Père Camille savait user de tous les arguments dictés par son affection pour inviter les transfuges à rentrer au Bocage. Mais que faisait-il quand un jeune devait partir?

le Lundi 01 jan 2024

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En effet, il y avait des moments où le départ d’un de ses enfants devenait inéluctable : quand, à 19 ans, il avait terminé son apprentissage et se préparait à rejoindre un employeur. Au cours des derniers jours, le Père lui donnait des conseils et des encouragements : "Surtout, mon petit, ne t’étonne pas si l’ennui te gagne. Tous les départs sont comme ces mélancolies de début. Laisse s’effacer l’impression pénible de notre séparation, et puis, dans une semaine, sans faute, donne-moi de tes nouvelles. Confie-moi tous tes embarras, tes difficultés. Je te comprendrai si bien !"

 

Puis arrivait le jour du départ, où la douleur était bien réelle pour le jeune et pour son père adoptif ; mais une douleur tempérée, pour le premier, par son désir légitime d’indépendance, et pour le second, par la satisfaction d’avoir ancré son éducation dans de solides valeurs humaines et spirituelles et de lui avoir appris un bon métier. Venait ensuite la semaine de délai, convenu entre eux, avant l'envoi d'une première lettre du nouvel ouvrier. Une première lettre où il lui énumérait tous les changements qu’il venait de subir en passant de son état d'enfant bien entouré, à celui d'un ouvrier plus ou moins bien traité par un patron plus ou moins bienveillant. Une lettre où il lui avouait son désarroi des premiers jours; un dur travail du matin au soir, par tous lestemps, avec une brève pause au repasde midi, un coucher tout seul dans une petite chambre bien souvent sous les toits brûlante en été et mal chauffée en hiver. Il lui racontait son premier dimanche si attendu, qui ne lui avait apporte qu'ennui et solitude...

 

La réponse du Père s’élaborait le soir-même, sur son bureau encombré de lettres reçues ou prêtes à partir. "Je t’avais bien prévenu, mon cher petit... de grâce, ne te décourage pas. Tu verras bientôt des meilleurs jours.... Dis-toi que la distance qui nous sépare n’est pas infranchissable. Si tu souffres trop, j’aurai bien vite fait d'arriver jusqu'à toi. Et puis, toi aussi tu reviendras!" Il allait revenir, en effet, dans diverses circonstances, pour une fête, un anniversaire, ou encore pour une convalescence après une maladie. Comme ce jeune prénommé François qui, grâce à l’intervention de Camille auprès du colonel de la garnison de Chambéry, avait pu faire son service militaire dans la ville. Ayant contracté la typhoïde, il avait obtenu un congé de deux mois. Comme on le devine, il avait demandé au Père de l’accueillir au Bocage. La réponse qu'il en reçut était un vif élan du coeur : "Viens vite, nous t’attendons !"

 

Lisons sous sa plume, le récit de l'accueil qu'il en reçut: "Je ne puis dire qui fut le plus heureux de mon retour au nid... Il était là qui m'attendait. A peine étais-je dans la cour qu'il a couru au devant de moi, les mains tendues : "mon Popon, mon cher Popon viens vite que je t'embrasse. Comme tu as maigri! Tu as donc été si malade. Pourquoi avoir attendu si longtemps avant de m'écrire, méchant enfant? mais tu verras comme nous allons te soigner". Se tournant vers la cuisinière : "Allons vite, Claudine, préparez un bon repas pour ce pauvre petit. Il vivra ici et vous le soignerez tout particulièrement".

 

Ce témoignage est loin d’être isolé. Il transpire la tendresse du Père pour ses enfants, qui, après les avoir aidés à se construire, les invitait à revenir régulièrement à la maison, d'où leur nom de "revenants".

 

Françoise Bouchard

 

Sources :

  • Une âme de Saint : Ernest Costa de Beauregard page 175 à 180
  • Summary page from Pere Camille Costa de Beauregard page 258 et 286

 

Extrait d'Eglise en Savoie - Janvier 2024