Du côté de Camille... le marronnier de la cour des apprentis

Dans une des cours du Bocage trône un magnifique marronnier: peu d'entre nous savent qu'il fut planté en 1885 par le fondateur lui-même, au beau milieu de la cour qu'il réservait à ses chers apprentis.

le Samedi 01 jan 2022

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Monseigneur Ernest Costa, son neveu et successeur à la tête de l'orphelinat, nous offrait dans le N°37 de l'Echo du Bocage de janvier 1937, cinq belles pages où il évoquait notre marronnier... ou plutôt il lui donnait la parole. Et notre bel arbre d'égrener, sous la plus exquise de son auteur, les souvenirs de tant d'années passées observer la vie de la maison, les bons et les mauvais moments...

 

"En ces temps lointains, votre cour, celle des apprentis, ne ressemblait guère à ce que vous la voyez ! Une cardinière l'occupait. Un peu plus loin, là où se trouve le théâtre, était un bosquet d'arbres. Je suis le seul survivant de cette génération disparue.

J'étais alors tout petit, naturellement, un peu malingre. Un jour j'entendis : "il ne vivra pas, il faudra l'arracher et le brûler comme les autres". Et en effet, je dépérissais. La sève ne montait plus dans mes branches. Mes quelques feuilles jaunissaient avant l'automne. C'est que mes racines rencontraient là un terrain défavorable, une couche de mâchefer, je crois, mise là pour assécher la cour. Mais ma nature généreuse vainquit l'obstacle. Des soins diligents me furent donnés, aussi, un traitement approprié. Et un certain dimanche d'été, par la porte de l'étude entr'ouverte, j'eus la fierté d'entendre le Père Supérieur, qui faisait des jolies comparaisons à ses catéchismes, me citer en modèle à ses apprentis :  "Vous voyez mes chers enfants, votre ami le marronnier, il parut très malade un moment, mais il triompha ! Il vécut parce qu'il voulait vivre. Or, au moral comme au physique, il faut vouloir et lutte contre les ennemis inévitables. Et puis intervient la grâce, qui achève de nous sauver."

 

En effet, le marronnier a bien grandi et Mg Costa qui lui donne la parole lui fait dire tous ses souvenirs : l'inauguration du théâtre, les soirs de spectacles, l'incendie de juillet 1904, les facéties des marmottes ou du perroquet, la visite nocturne d'un renard, les jeux des enfants dans la cour et "le Serviteur de Dieu, (Camille)" qui l'honorait chaque jour de sa visite.

 

Puis, "un jour, il ne vint plus et je sus vite pourquoi. Mais j'ai appris en même temps les magnifiques espérances qui se levaient de sa tombe et qu'un jour peut-être, on l'honorerait comme un saint."

 

Puis, entendant les orphelins qui en cette approche de Noël lui demandaient un vœu, l'arbre vénérable se mit à les exhorter : "Je souhaite que vous soyez tous là le jour où tintant plus haut que cette de l'Armistice, la cloche de l'orphelinat conviera le voisinage, la ville et la contrée, à l'exaltation du Serviteur de Dieu, Camille, béatifié par un jugement solennel de l'Eglise. Je souhaite que vous soyez tous là vous tous d’aujourd’hui, pères, grands-pères et arrières grands-pères, et que j’y sous moi-même pour célébrer à ma manière l’apothéose de celui que je vénérais. Oh, ce jour-là, je veux être plus beau que jamais, paré, dès le premier printemps de toutes mes grappes blanches. On dira : "Voyez le vieil arbre, comme il est de la fête. Il s’y est pris dès l’hiver, afin d’éclore en beauté dès le mois joyeux et ne pas manquer la cérémonie".

 

Cette cérémonie, nous l’attendons aujourd’hui, toujours patients, mars de toute nos forces et encouragés par les avancées récentes de la Cause de Camille. L’arbre est encore là, encore fier et solide. Et nous nous surprenons à espérer pour très bientôt ce printemps magnifique, récompense de tous les efforts. "Cher vieil arbre, vieux témoin de tant de choses, vieil ami de tant de disparus, tu es bien des nôtres. Nous t’aimons pour ta beauté, pour la fidélité de tes souvenirs et pour ce regain de jeunesse qui t’assure encore de longs jours".

 

 

Article de Garbiel Tardy, paru dans le cadre de la série sur la famille Costa de Beauregard, dans Eglise en Savoie.

 

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