Une des intuitions les plus remarquables de Camille, qui le rapprochait de Don Bosco, fut l'attention qu'il porta aux loisirs et aux activités éducatives : le chant, la musique, les représentations théâtrales rythmaient la vie de l'orphelinat ; les fêtes religieuses nombreuses étaient célébrées par des animations et des spectacles auxquels la ville et la société civile était largement associés ; les longues promenades autour de Chambéry, vers La Villette, Les Marches, ou parfois bien plus loin, étaient de vrais moments de joie.
La musique (la « clique ») dirigée par des chefs compétents, donnait souvent au Bocage, comme en ville, ses meilleurs morceaux.
Les notes très précises que nous a laissées le fondateur, reprises par le Père Robert Fritsch* dans sa belle chronique de l'oeuvre du Bocage, nous livrent une profusion de détails et de petites histoires sur ces moments forts de la vie de l'établissement ; on mesure l'importance que leur donnait Camille dans sa conception de l'éducation. En cela il rejoignait don Bosco qui favorisait le jeu et disait « laissons aux enfants la pleine liberté de courir, sauter, danser...».
Ainsi, le loisir était partout favorisé, encouragé, pour le plus grand bonheur des enfants.
On aimait marcher, en cette fin de XIXe siècle : on est frappé de la fréquence des sorties en montagne : le 1er et le 9 septembre 1877, nous dit-on, on est monté à la Gallopaz (alt.1680 m), le 24 au Mont Granier (alt.1933 m), le 30 juillet suivant et le 5 août au Nivolet ! La Grande Chartreuse est également une destination fréquente et appréciée ; on s’y rend à pied par Corbel et la Ruchère, et on rentre le lendemain par les Entremonts ; les liens amicaux entretenus avec le monastère valent bien une telle randonnée.
En 1877, dans la cour sud de l'orphelinat on a creusé une belle piscine en demi-cercle ; on s'y baigna dès le mois de juin ! L'étang glacé de La Villette servait avec bonheur, en plein hiver, de patinoire.
Ces activités éducatives ont survécu dans le temps au point que le théâtre, le jeu, les camps, les promenades ont constitué jusqu’à une date récente, une véritable culture du Bocage.
Les éducateurs, à la suite de Camille ont bien perçu la richesse inestimable et la pertinence de ce modèle d’éducation.
Article de Gabriel Tardy, paru dans le cadre de la série sur la famille Costa de Beauregard, dans Eglise en Savoie.
* Robert FRITSCH, Camille Costa de Beauregard, Chronique d’une Œuvre sociale et éducative dans la Savoie du XIXe siècle.