Du côté de Camille : punitions d'un père aimant.

Le père Paul Ripaud a récemment rédigé dans ces colonnes, un article sur les grands pédagogues du 19ème siècle, qui ont imprégné leur système éducatif de la belle devise de saint François de Sales : "Rien par force, tout par amour".

le Mardi 15 nov 2022

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Le père Paul Ripaud a récemment rédigé dans ces colonnes, un article pertinent sur les grands pédagogues du 19 -ème siècle, qui ont imprégné leur système éducatif de la belle devise que saint François de Sales a déclinée sous différentes formes : « il faut tout faire par amour, rien par force ».

Camille Costa de Beauregard, ses confères prêtres, les sœurs et autres collaborateurs du Bocage ont nourri leur pédagogie de ces préceptes. Et pas seulement quand les enfants se conformaient aux règles et principes en usage dans la maison, mais aussi, quand ils y contrevenaient. En témoignent les quelques anecdotes puisées dans l’ouvrage magistral du père salésien Robert Fritsch qui a vécu dans la maison une cinquantaine d’années.

 

L’âne dans la piscine

Un jour, Alfred Tissot nettoyait les bosquets près de la piscine, avec l’âne attelé au tombereau. Mais, erreur d’évaluation de la distance ou moment d’inattention : l’âne s’approcha si près de la piscine qu’il y tomba avec son attelage. Un groupe de jeunes les plus costauds eurent bien du mal à tirer la bête de cette situation qui lui faisait pousser des braiements assourdissants.

Restait au coupable à subir la sentence en vigueur : régler l’amende prévue en pareil cas. Alfred nous raconte la réaction du père, après qu’il lui eut avoué sa faute sans chercher à se justifier : « il me regardait en souriant et me dit : « très bien, j’aime ta franchise… Viens m’embrasser » et Albert s’en tira sans la moindre amende.

 

Du vin plein la cornette

Le même Alfred avait été chargé par sœur Vincent de poser un robinet sur un tonneau afin de pouvoir tirer du vin. Il nous raconte sa mésaventure :

« La sœur m’ayant demandé si j’étais capable de faire ce travail, je lui répondis : « Ma sœur, pour qui me prenez-vous ? »  Or, de ma vie je n’avais jamais fait telle besogne… Je débondai le tonneau, puis je conseillai à sœur Vincent de tenir un récipient sous le robinet au cas où s’échappent quelques gouttes du précieux liquide… Mais, ajoutai-je « vous verrez, il s’en perdra si peu ! » Hélas, je parlais encore que l’écluse s’ouvrit. En un instant le sol fut écarlate.

Que dire de la cornette, de la guimpe et du tablier de la sœur ? Ils étaient rouges comme s’il elle fût sortie du pressoir ».

Formée par le fondateur à ne pas sévir en cas de petits délits involontaires, la sœur pardonna à Alfred sa maladresse et n’en parla à personne.

 

Les fumeurs dans les cardons

Un dimanche, un groupe d’apprentis s’étaient camouflés dans une plantation de cardons pour bénéficier de la hauteur de leurs tiges afin de rouler une cigarette et de la fumer sans être vus. C’était sans compter sur la vigilance du chef de culture, qui, voyant la fumée s’élever de la serre, eut vite fait de trouver les coupables et de leur imposer l’amende correspondante.

Mais le père Blanchard, aussi miséricordieux que le fondateur qui l’avait recueilli à l’âge de quatre ans, lui avait suggéré de supprimer les amendes à tous ceux qui ne dépasseraient pas 2 francs par trimestre…. Les fumeurs, qui s’abstinrent de toute récidive, furent amnistiés.

 

Des lapins bien payés

Les grands apprentis qui s’étaient installés à la Villette, étaient autorisés à élever des lapins pour leur compte, ce qui leur procurait un peu d’argent de poche. Pour nourrir leurs lapins, ils allaient ramasser de l’herbe dans les champs environnants. Un seul endroit leur était interdit : le verger, car les fruits qu’il produisait étaient destinés aux études et observations du chef de culture. C’est justement là, qu’un jour Joseph Polycarpe et quelques compères pénétrèrent sous prétexte que l’herbe y était plus grasse. Mais ils en profitèrent pour cueillir des fruits et les déguster sur place.  Le chef de culture ayant pris les voleurs en flagrant délit, alla en informer le père Camille qui leur fit promettre de ne plus récidiver. Touché par leur sincérité il leur promit que désormais ils n’auraient plus à vendre leurs lapins sur le marché mais qu’il les leur achèterait au même prix, et que, de plus, ils les leur feraient manger à table.

 

L’abbé Joseph Dubouchet qui a vécu au Bocage près de 10 ans, précise que les enfants ayant commis des vols plus graves étaient vertement réprimandés au cours du catéchisme du dimanche. Parfois, ils étaient soumis à une punition, comme cet ancien qui, ayant volé une grappe de raisin, avait été privé d’une promenade d’une journée entière.

En cas de récidive, la punition pouvait être très sévère et allait jusqu’à l’exclusion en raison du mauvais exemple donné aux camarades. Mais, même dans ce cas extrême, le père Camille ne cessait jamais d’entretenir une correspondance avec les coupables qui restaient toujours ses enfants.

 

Article de Françoise Bouchard, dans l'Eglise en Savoie