C'est en feuilletant un vieux numéro de l'Echo du Bocage, d'octobre 1959, que l'auteur de ces lignes a découvert un bel article paru à l'époque dans "l'Osservatore Romano". En voici un passage...
"Les alentours de Chambéry sont d'une rare beauté (...) un peu à l'extérieur de cette riante et tranquille cité savoyarde (...) une couronne d'arbres séculaires abrite un vétuste édifice. Le lieu est tout clos, comme dans un mystique recueillement, à peine rompu par les chants des oiseaux et parfois les cris joyeux des enfants. "Orphelinat horticole" dit l'inscription à côté du portail de fer. Mais les bons habitants de Chambéry l'appellent simplement" le Bocage", le petit bois, et tout le monde sait que là s'est accomplis une grande et belle œuvre."
Vient ensuite un beau récit de l'histoire du Bocage, cet article étant, à ce que j'en ai compris, une interview du Père Blanchard par le journaliste romain.
"L'homme qui a voulu tout cela, qui a créé cette œuvre, qui en a conçu et réalisé la méthode éducative, l’abbé Camille Costa de Beauregard, ne paraissait certainement pas destiné à passer toute sa vie dans la fonction modeste de directeur d’un orphelinat. Sa famille appartenait à la plus haute aristocratie savoyarde. Un de ses frères, Charles-Albert, l’ainé de douze enfants, fut membre de l’Académie Française, ami de Paul Bourget… Camille, le cinquième de douze, alla au séminaire de Rome. Là, il se montra tout de suite de cette étoffe dont on fait les évêques.
Mais le seigneur en avait décidé autrement pour lui ; nous sommes vraiment dans un geste de saint, comme dans une légende. Lui-même racontait qu’un soir d’hiver (à Paris), tandis qu’il sortait d’une réception, en montant dans sa voiture, il fut accosté par deux pauvres garçons qui lui demandaient l’aumône. La nuit, il eut une vision : les deux petits mendiants, transis par le froid, lui apparurent comme messagers de Dieu, envoyés expressément pour le rappeler à ses responsabilités d’homme riche, influent, fortuné.
De cette angoisse nocturne, il sortit avec une résolution déterminée. Il devait se consacrer tout entier à l’œuvre dans laquelle il recueillerait les orphelins, pour qu’ils trouvent les soins et l’affection, et dans la mesure du possible une vraie famille, dont les avait privés le malheur. » …
…En 1867, le choléra avait semé la terreur et la mort autour de Chambéry, C’est alors qu’apparut providentielle l’œuvre du « Bocage », qui accueillit les petites victimes du terrible fléau : les dix-sept premiers orphelins.
« Dès lors, plus rien ne put le distraire de cette œuvre ; il y consacra toute sa vie, sa personne, son temps, ses forces, l’intelligence et la fortune dont il avait hérité. Et le « beau jardin du Bocage » est là pour témoigner de la qualité de l’œuvre du bon chanoine Costa de Beauregard. » (extrait d'un article paru en 1959 dans l'Osservatore Romano, journal du Vatican)
Et nous savons avec quelle humilité et avec quelle discrétion il s’acquitta de sa mission ; un jour, alors qu’un visiteur de passage, qui ne savait pas qu’il se trouvait en face du fondateur, lui demandait « Mais, dites-moi, qui est à l’origine d’une si belle Œuvre », Camille lui répondit « Hé bien… c’est un certain abbé Costa » !
Gabriel Tardy
Extrait de l'Eglise en Savoie, mars 2023.