Du Côté de Camille : le soutien des chartreux

le Samedi 01 mai 2021

La Grande Chartreuse 1 La Grande Chartreuse 1  

 

Les notes que nous a laissées le fondateur dans ses carnets font apparaître les liens particuliers que l'orphelinat entretenait au fil des années avec la Grande Chartreuse. On pense bien sûr au soutien financier dont les Chartreux n'ont jamais été avares quand il s'agissait d'aider les paroisses ou les œuvres naissantes. Mais la fidélité qui se manifesta dans les rapports entre le monastère et l’orphelinat est d'un autre ordre.

 

L’abbé Chenal s’était rendu à la Grande Chartreuse une première fois le 11 mai 1868 ; le supérieur du couvent, qu’il informa des débuts de l’œuvre du Bocage, s’engageait à payer à l’orphelinat 240 francs pendant cinq ans. Ce fut le début d’une longue relation d’entraide.

 

À partir de là ce furent des échanges réguliers dont bénéficièrent l’institution mais aussi les enfants. Le P. Robert Fritsch, dans son ouvrage sur Camille relate avec précision toutes ces visites entre le Bocage et le couvent : « 1873.. le  25 juillet, Camille se rend à la Grande Chartreuse avec deux compagnons, le curé d’Elencourt venu le voir pendant quelques jours, et M. Achille Coquet… , le 23 septembre une demi douzaine des plus grands se rendent au couvent de la Grande Chartreuse, en revenant le 27 par la Ruchère et le Pas de la Fosse » ; 1874 : « Les relations avec la Grande Chartreuse s’accentuent nettement durant l’année. Pour le mois de septembre une petite retraite y est décidée : l’abbé Chenal  accompagné de Jules Lallemand (le fils du chef jardinier), Robert Borras, Gaiffier Petrus et Mamy Félix, s’y rend le 10 septembre en partant à 5h du matin. A 11h30, les retraitants arrivent au couvent sous une pluie qui a commencé à Fourvoirie ; le Père Coadjuteur leur prêche la retraite par une température plutôt fraîche, mais la réception auprès du Père Général leur remonte le moral : il accorde 240 francs à l’orphelinat et le bon frère Barthélémy, qui dirige l’hôpital, leur délivre divers médicaments pour leur maison » ; le lendemain les jeunes se rendent à Saint Bruno ; le 12, après une messe matinale à 5h30, on repart à pied vers Chambéry, où l’on arrive à 12h30.

 

L’abbé Marrolliat, originaire de Saint Pierre d’Entremont, accompagne souvent ces promenades et ne manque pas au retour de passer dans sa famille, où on a l’habitude d’offrir aux enfants un chocolat.

Lors de ces séjours au monastère, des voyageurs de passage se sont parfois étonnés : « mais qui sont donc ces enfants que les pères reçoivent si bien ? ».

D’autres « échanges » ont lieu : en 1874, « le frère Barthélémy accompagne au Bocage un jeune inconnu recueilli par les Pères Chartreux qui restera à l’orphelinat jusqu’en 1876. Le lendemain le bon frère restera au repos en révisant la pharmacie de l’orphelinat et en donnant mille recettes pour les soins ».

 

Le 30 octobre, c’est un jeune orphelin qui est placé à la Grande Chartreuse comme aide-pharmacien à l’hôpital ;  il y est conduit par Benoit Thomann avec la voiture à cheval qui rapporte au retour divers produits offert par le frère Barthélémy : de l’eau d’arquebuse, un litre de teinture d’arnica, un flacon pour fabriquer de l’eau de digitale, 16 litres de sirop de gentiane.

De même, les échanges de fleurs venant du Bocage contre des potions et bombonnes de liqueur sont monnaie courante.

A d’autres occasions, ce sont des animaux qui sont offerts au Bocage : un petit taureau, des génisses, destinés à grossir le cheptel de la ferme agricole de La Villette.

 

Les Chartreux seront expulsés le 29 avril 1903 ; ils se réfugieront au couvent de Farneto, en Toscane. Ce triste évènement ne mit pas fin aux relations qui s’étaient établies au cours de toutes ces années. Le Procureur Général venait souvent, depuis l’Italie, rendre visite au Bocage où, à l’occasion, il passait quelques nuits et célébrait la messe.

 

Un article de Gabriel Tardy pour Eglise en Savoie.