Faire mémoire du bien

La Chronique des Salésiens: cette semaine, sœur Catherine Fino, salésienne de Don Bosco, théologienne à l’Institut Catholique de Paris, nous propose :« Faire mémoire du bien ».

le Vendredi 21 avr 2023

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Le théologien salésien Xavier Thévenot définissait la morale comme « la conversion de l’histoire en histoire la plus sensée possible ». Trouver du sens dans sa vie demande d’abord d’avoir pu faire des expériences de paix, de joie, de relations constructives, afin d’acquérir confiance en soi et en l’autre. Mais l’injustice et le mal nous font vite perdre cœur. Il s’agit alors d’un combat éthique pour ne pas céder au cynisme ou à la fatalité, et oser faire la vérité pour pouvoir repartir sur de meilleures bases. Il nous faut repartir de nos expériences positives pour restaurer notre estime de nous-même et des autres et pouvoir faire alliance contre le mal. Pensons à la manière dont Don Bosco interrogeait chaque jeune qu’il rencontrait jusqu’à ce qu’il dise quelque chose de positif sur lui-même : « Sais-tu siffler ? – Oui », avant de lui proposer son aide.

 

Il s’agit donc d’une pédagogie ?
Bien sûr : le théologien reste un éducateur ! Je pense aussi aux conseils donnés par Christiane Conturie dans un article en 2019 : « Faire vivre aux jeunes des expériences heureuses de respect et de reconnaissance mutuelle contribue à apaiser les tensions ». Mais il leur faut apprendre à faire mémoire de ces expériences heureuses, et donc leur proposer des occasions de s’initier à l’intériorité, durant un temps de marche, de prière, de lecture en bibliothèque, pour découvrir « l’expérience d’un apaisement bienfaisant qui unifie l’être intérieur et donne le goût d’y revenir ».

 

Mais cela suffit-il toujours ?

Que faire devant l’irruption du mal ? Comment réagir de manière éducative face à la colère ?
Je pense à une scène vécue tout récemment à l’école. L’escalier menant à la communauté était rempli d’enfants, et j’entends la directrice qui s’adresse à la classe : « Je ne veux pas entendre ce qui s’est passé [ne répétons pas le mal inutilement, même en mots], mais je veux savoir qui, parmi vous, sait ce qu’il s’est passé ? Les mains se lèvent.

Par qui en avez-vous entendu parler ? L’un après l’autre, chaque enfant lève la main et dit le nom d’un autre, personne n’a vu lui-même, mais un enfant ajoute à propos de la victime de la « vendetta » (un pull souillé de manière humiliante) : « Il n’est pas aimé et celui qui a fait cela avait des raisons d’être en colère ». La directrice rebondit : « Bien sûr, on peut avoir de bonnes raisons d’être en colère. Mais est-ce que c’est une bonne manière de réagir quand on est en colère ? Silence… Voyons : qu’est-ce qu’on a dit en classe ? L’un ou l’autre doigt se lève : « Il faut exprimer sa colère en mots » ; « Il faut en parler à un adulte ou en classe, dire toute sa colère ».

Ce n’est qu’après avoir sollicité et approuvé la « mémoire du bien » que la directrice renvoie les enfants sur la cour de récréation, avec la possibilité pour chacun de lui dire un mot à l’oreille, s’il pense que c’est nécessaire.

Voici donc une résolution bienvenue pour ce temps pascal où nous prolongeons la contemplation de la Résurrection : nous mettre chaque jour à la recherche d’une expérience positive pour en témoigner et en rendre grâce !

 

Catherine Fino