Un futur « bienheureux » à Chambéry ?

le Mardi 15 nov 2022

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Une plaque de marbre apposée sur la façade principale d'un immeuble rue Jean-Pierre Veyrat (alors rue Royale) à Chambéry, commémore la naissance de Camille Costa de Beauregard, le 17 février 1841. Telle était la résidence d’hiver de sa famille, qui vivait le reste de l’année dans son château de la Motte-Servolex.


Son père, le marquis Pantaléon, était un haut parlementaire à Turin, homme de lettres, d'art et de sciences, (il avait été nommé trois fois Président de l'Académie de Savoie), c'était aussi un Chrétien qui ne transigeait pas avec sa foi. Bien que très proche de Charles-Albert, il n'avait pas hésité, lors de l'annexion de la Savoie à la France (1860), à se rallier à Napoléon III, en raison de son régime plus favorable à l'Eglise que celui de Cavour. Son renoncement à sa brillante carrière à Turin sera compensé par sa nomination de Président du Conseil Général de Savoie et par l’attribution de la légion d’honneur.

Cette foi, qui lui faisait refuser toute compromission, était nourrie par une pratique religieuse régulière et se concrétisait par de multiples actions caritatives.


La mère de Camille, Marthe de Veyrac, avait été marquée par la mort sur l'échafaud de trois de ses aïeules. Elle en avait gardé un sentiment très prononcé de la brièveté de la vie et du caractère éphémère des choses de la terre. Un état d'esprit rejaillissant sur l'éducation de ses enfants : six garçons et trois filles (deux autres étant morts en bas âge). Elle les élevait selon leur rang, mais avec une rigueur assez contraignante et une absence d'intérêt pour tout bien-être et toute réjouissance qu'elle ne jugeait pas essentiels. Avec le temps et au fur et à mesure de ses maternités, elle allait devenir plus douce et plus compréhensive. Comme son époux, la marquise était très attentive aux misères humaines. Elle avait habitué ses enfants à donner une pièce à un pauvre de rencontre ou à aller partager leur goûter avec les enfants de l'école-hôpital construit par le marquis dans le domaine.

 

Après trois ans d'études chez les Frères des Ecoles Chrétiennes de la Motte-Servolex, le jeune Camille, cinquième enfant de la fratrie a poursuivi sa scolarité dans les collèges des Jésuites jusqu'en seconde. Il a alors seize ans, quand il est terrassé par une typhoïde doublée de graves complications pulmonaires. Ses parents le rappellent au château pour lui faire continuer ses études sous la conduite d'un précepteur, l'Abbé Chenal, à partir de septembre 1857.

Ce prêtre, professeur réputé au collège de Rumilly, va s'adapter à son rythme, car il a su discerner la gravité de la crise que traverse son élève sur les plans physique, moral et spirituel. Il va attendre qu'il ait surmonté son état d’extrême faiblesse (trois mois au lit), puis il va l'accompagner à des cures thermales (Aix-les-Bains, Biarritz).

Camille va passer ainsi deux à trois ans, en alternant temps de travail, lecture personnelle, voyages en train, séances de piano ou de peinture, promenades à pied sur les collines environnantes et, plus tard, une grande marche autour du Mont Blanc… et même, participation à des soirées avec les jeunes nobles et bourgeois de Chambéry où il brille par sa courtoisie, son humour, le charme de sa conversation, son élégance vestimentaire... qui lui vaudront le surnom de : « Beau chevalier ».

A cette époque, un relâchement religieux l’a amené à perdre la foi au point de ne plus mettre les pieds dans une église, tout en restant fidèle, sur les conseils de l'abbé Chenal, à la récitation quotidienne d'une prière à Marie, le « Souvenez-vous ».

 

Camille a 22 ans. Il a terminé ses études couronnées par sa réussite à son examen de philosophie. Et vient le jour où tout bascule; car le Seigneur qu'il fuit depuis si longtemps, n'a

jamais cessé de l'attendre. Il l'attendait, en effet, dans la cathédrale de Chambéry où il s'est senti attiré à entrer malgré lui. Et c'est l'illumination de son âme. Derrière le pilier contre lequel il s'est dissimulé, il retrouve soudain la foi de son enfance et il entend l'appel à la prêtrise auquel il décide de répondre.

En septembre 1863, il part pour le Séminaire Français de Rome où il sera ordonné prêtre. Refusant les hautes fonctions ecclésiastiques qu'on lui a réservées, il rentre à Chambéry en juin 1867. Son évêque, Monseigneur Billiet, lui propose un poste honorifique qu'il refuse.

A sa demande, il lui octroie le poste de quatrième vicaire à la cathédrale de Chambéry, sans logement, ni rétribution. Il pourra ainsi s'occuper des ouvriers qui travaillent dur pour gagner peu et qui n'ont aucune couverture sociale. Il va créer pour eux une caisse d'aide mutuelle sous le vocable de Saint François de Sales. Mgr. Billiet va rajouter à son ministère les fonctions de confesseur et de prédicateur.

 

Au mois d'août 1867, le choléra s'abat sur la ville, faisant 135 victimes jusqu'à l'automne. L'abbé Costa a pitié de tous ces orphelins qui se retrouvent sans parents, sans toit, sans argent. Il en recueille une demi-douzaine dans le deux-pièces qu'il loue rue Saint-Réal. Mais bien vite, leur nombre s'accroît et il a besoin d'une maison pour les accueillir. A cet effet, le comte de Boigne lui octroie l'ancien bâtiment des douanes sur un demi-hectare de terrain : le Bocage.

L'abbé Camille cherche un adjoint pour l'aider à démarrer son œuvre. L’abbé Chenal, son ancien précepteur, répond favorablement à sa demande; C'est ainsi que va naître l'Orphelinat du Bocage, en mars 1868.

Grâce à ses fonds personnels, à l'apport substantiel du comte de Boigne, aux sommes régulièrement versées par sa famille (notamment sa mère), les pères chartreux et autres donateurs, il va aménager les locaux, les agrandir, construire une chapelle... Le nombre d'élèves va s'élever jusqu'à 125 pensionnaires.

Les abbés Costa et Chenal ont dû s'entourer de collaborateurs pour les prendre en charge: après les Frères des Ecoles Chrétiennes pour les premières années, ils feront appel aux Filles de la Charité qui exerceront les multiples rôles d'institutrices, surveillantes, infirmières, cuisinières, et mères de substitution...

 

A l'âge de treize ans, les garçons apprennent sur place le métier de jardiniers dans des serres construites sur des terrains acquis d'une année à l'autre. Pour les plus grands, l'abbé Costa va acquérir en 1875 (grâce aux fonds versés par sa mère et sa sœur Félicie) le domaine de La Villette à La Ravoire, où ils s'exercent aux cultures de légumes, d'arbres fruitiers, aux travaux de la ferme, et même, à la pisciculture ; Camille va s'installer avec eux à La Villette et confie la direction du Bocage à l'abbé Chenal.

Cette expérience cessera dix ans plus tard, à la mort de l'abbé Chenal. L'abbé Costa réintègre alors le Bocage avec ses grands apprentis pour lesquels il construit une aile de bâtiment parallèle à la première.

Au fil des années, un groupe de prêtres, formés dans l'esprit du Bocage, vont le seconder, parmi lesquels son neveu Ernest Costa de Beauregard.

 

Mais quel est donc cet esprit du Bocage?

C'est une éducation semblable à celle de don Bosco, que l'abbé Costa a rencontré à Turin. Une éducation préventive, qui s'oppose aux systèmes éducatifs de l'époque, faits d'obligations et d'interdits, à forte dose de punitions en cas de transgression aux normes. Une éducation "à la salésienne" basée sur la confiance et l'affection réciproques avec les éducateurs, un profond esprit de famille entre tous, la valorisation de l’effort, l'appel à la raison, l'écoute personnelle. Tout cela dans une atmosphère de foi transmise et vécue au quotidien. Pour rendre les temps de travail plus efficaces, Camille Costa de Beauregard accordait une large place aux loisirs : promenades à pied, théâtre, musique (chant, fanfare), piscine, repas festifs aux fêtes liturgiques, avec les anciens invités pour se retrouver en famille.

Dès la fin de leur apprentissage, l'abbé Costa leur trouve un emploi de jardinier et reste en liens étroits avec chacun d'eux.


Ainsi, Camille a réalisé son objectif de former « de bons chrétiens, bons ouvriers, et de bons pères de famille ».

Malgré une santé chancelante, l'abbé Costa va assumer la direction du Bocage jusqu'à sa mort, le 25 mars 1910.

 

Conformément à sa volonté, son neveu Ernest Costa de Beauregard, va lui succéder. Avant son décès, en 1954, l’abbé Ernest remettra l'œuvre aux Pères salésiens de don Bosco qui resteront présents jusqu'en 2016, et la maintiendront dans la même mouvance. Ils continuent d'assurer la tutelle des deux établissements encore bien vivants:

                 

- la Maison d'Enfants à caractère social

- le Lycée professionnel horticole.

 

On ne s’étonnera pas qu’une vie aussi entièrement donnée, lui ait valu le titre de Vénérable par le pape Jean-Paul II qui reconnaissait ainsi l’héroïcité de ses vertus par décret du 22 janvier 1991.

Le comité Camille Costa de Beauregard, mis en place par Mgr Ballot travaille activement à la poursuite de la Cause de Béatification. Il nous reste à prier pour que l'Esprit-Saint soutienne ceux qui doivent apporter leur jugement à cette Cause, afin de donner à l'Eglise de Savoie et d’ailleurs, un modèle de sainteté avec la béatification de Camille Costa de Beauregard.