Ce dernier week-end, j’étais frappée par le contraste entre la fête des mères, qui évoque les multiples visites ou moments festifs vécus dans les familles à cette occasion, et le climat délétère imposé par le harcèlement de la jeune Lindsay, qui se prolonge même au-delà de son décès. Le choix biblique est décidément toujours à refaire : « Je te propose la vie ou la mort. Choisis la vie ! »
Et comment favoriser le choix de la vie plutôt que de la violence ?
Ce n’est pas simple, en effet. La fête des mères n’est-elle pas pour une part un refuge chaleureux qui permet de fuir un monde hostile sans combattre la violence, qu’elle soit sociopolitique, militaire, écologique ou scolaire ? Et ces jeunes harceleurs, de leur côté, ne cherchent-ils pas une fausse sécurité et réassurance en rejoignant le clan des harceleurs plutôt que celui des harcelés, mus par la peur et happés par un processus de violence que la découverte de leur pouvoir de mort ne fait que renforcer ?
Ils seraient alors eux-aussi des victimes avant d’être des agresseurs ?
Je n’ai pas dit cela, la gravité des faits les place bien du côté des agresseurs, et il est urgent de mettre un coup d’arrêt à cette montée exponentielle de la violence adolescente. Mais il faut se rappeler les conditions auxquelles une sanction devient réellement éducative, si nous voulons contribuer à construire une société moins violente pour les jeunes et avec eux.
Une première condition est de ne pas enfermer ces jeunes dans l’acte qu’ils ont commis, ou de vouloir traiter une dérive collective, mais bien de repartir du jeune lui-même en faisant le pari de son éducabilité. On retrouve ici la manière dont Don Bosco rencontrait chaque jeune non pas à partir de ses difficultés mais à partir de ses qualités et de ses valeurs, afin de soutenir l’œuvre de Dieu en lui dans son chemin de croissance humaine et morale.
Mais ce n’est pas évident de trouver les valeurs ou les qualités de ces jeunes qui s’obstinent dans la violence du harcèlement !
Du point de vue de la pédagogie salésienne, cela suppose de faire émerger la parole de chaque jeune pour pouvoir collaborer avec lui. Don Bosco, dans une circulaire de 1883, témoigne que c’est possible, en « ayant souvent reçus ces petits récalcitrants, traités avec bienveillance, et appelés à expliquer pourquoi ils se montraient tellement indociles ». Mais il pose une deuxième condition : l’éducateur doit tenir compte de la temporalité du jeune, lui laisser le temps de commencer à réfléchir, avant de l’inviter à faire la vérité en lui disant qu’il espère toujours en son avenir. Enfin, troisième condition, la sanction doit exister, pouvoir être expliquée, comprise, et permettre de solliciter la responsabilité du jeune pour un acte de réparation, selon ce qui est possible. Le jeune peut et doit ainsi témoigner de ses bonnes intentions à l’avenir, et de son désir de réintégrer la vie scolaire et les réseaux de manière constructive.
Vous décrivez ici le versant de la « justice réparatrice » ?
Peut-être, mais du point de vue de l’éducateur chrétien, et aussi dans une perspective préventive, l’enjeu est de préserver ou restaurer chez chaque jeune sa liberté de vivre, de grandir et d’aimer.
Catherine Fino