Les limites du principe de précaution

La Chronique des Salésiens: cette semaine, le père Jean-Marie Petitclerc, salésien de Don Bosco nous met en garde face au principe de précaution dans le champ de l'éducation.

le Mercredi 24 mars 2021

port port  

 

Voici que dans notre société européenne, l’application du principe de précaution prend des proportions suréalistes ! Le repérage d’une trentaine d’effets secondaires sur plusieurs millions de patients vaccinés a conduit à la suppression temporaire de la vaccination par Astra Zeneca, alors que l’on sait combien seule la massification de cette vaccination peut faire reculer le virus ! C’est un peu comme si, suite à un accident mortel de la circulation, on interdisait toute circulation automobile ! On croit rêver ! 

 

Dans le champ de l’éducation, l’application de ce principe de précaution possède, à mes yeux, des effets redoutables.

Rappelons-nous que voici juste un an, au nom de ce principe, alors que les enfants n’étaient ni contaminés, ni contagieux, on a été capable de fermer les écoles pendant plusieurs mois, en accroissant, de manière importante les inégalités sociales, jusqu’à ce qu’enfin la parole de pédiatres reconnus puisse être entendue ! Mais je ne voudrais pas limiter mon propos à cette seule crise sanitaire.

 

J’observe, en effet, depuis quelques décennies combien aujourd’hui parents, enseignants, éducateurs, veulent éviter toute prise de risque à leurs enfants. Ainsi toutes les activités, comportant le moindre risque, doivent être encadrées par des professionnels chevronnés ! Quand on compare à l’époque de Don Bosco, on voit alors combien peu d’adolescents ont accès aujourd’hui à ces activités, leur permettant d’apprendre à connaitre leurs limites et d’apprendre à se dépasser ! Et pourtant, c’est seulement ainsi qu’on acquiert la maitrise de soi.

 

Par contre, on les laisse des jours entiers devant leurs écrans, réduisant leur capacité de dépassement en celle consistant à améliorer leurs scores dans les jeux videos qu’ils pratiquent. Et en ce qui concerne leurs codes d’honneur, ils se les fabriquent dans le seul entre-pairs des copains, avec aucune présence d’adultes permettant d’attester leur valeur, comme ce devrait être le cas dans les rites d’initiation… Les conséquences d’un tel abandon sont catastrophiques !

Voici que ces jeunes à qui on interdit toutes prises de risque vont les développer dans leurs rodéos sauvages et les affrontements avec la police ! À force de vouloir éviter tout risque dans la prise en charge éducative, les voici confrontés au risque extrême de la violence ! Et leur absence totale d’acquisition de la maitrise de soi fait qu’un conflit banal, à l’age de l’adolescence, que ce soit pour un motif amoureux ou la volonté de s’approprier son territoire, se transforme en tentative de meurtre !

On ne peut éduquer à risque zéro

Il s’agit de rappeler à tous, parents, éducateurs, qu’on ne peut éduquer à risque zéro. Comme j’aime à le rappeler, une éducation sans risque est l’éducation la plus risquée qu’il soit, car elle forme des irresponsables. Bien sûr, il faut apprendre à maîtriser les risques, mais ceci ne signifie pas vouloir les supprimer.

Nous assistons aujourd’hui aux conséquences dramatiques, pour la croissance de nos enfants, de ce climat où il semble parfois que la préoccupation majeure de l’éducateur consiste, comme nous l’observons aussi dans le champ du politique, à plutôt couvrir son éventuelle responsabilité pénale, plutôt qu’à prendre véritablement en compte les réels besoins de l’enfant pour qui il est nécessaire de se dépasser afin de pouvoir s’affirmer. Cette judiciarisation à l’américaine de toutes les erreurs commises cause à mes yeux, de grands dégâts dans le champ éducatif.

 

Retrouvez l'interview de Jean-Marie Petitclerc sur RCF.