Le numérique, allié ou menace pour l'éducation ?

La Chronique des Salésiens: cette semaine, le père Jean-Marie Petitclerc, salésien de Don Bosco, éducateur, coordinateur du réseau Don Bosco Action Sociale (DBAS), nous propose : « Le numérique, allié ou menace pour l’éducation ? »

le Mercredi 13 avr 2022

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Tous les quatre ans, la famille salésienne organise, à destination des enseignants et éducateurs, un « Congrès de l’Éducation ». Cette année, celui-ci s’est déroulé dans la banlieue lyonnaise et avait pour thème : « Le numérique, allié ou menace pour l’éducation ». Se sont succédés tables rondes, ateliers et échanges, permettant aux participants de prendre conscience des risques mais aussi de mesurer les atouts de l’entrée du numérique dans l’éducation de nos enfants.
Rappelons qu’il fait aujourd’hui partie intégrante de leur univers, puisque 24% des 7/12 ans et 84% des 13/15 ans possèdent un smartphone. La durée moyenne d’usage de l’écran pour un collégien tourne autour de 3h30 par jour. Autrement dit, si on annualise, le collégien passe chaque année plus de temps sur l’écran qu’à l’école.

 

Quels sont les risques d’une surconsommation des écrans ?
Michel Desmurgets, docteur en neurosciences, prévient : « L’utilisation intensive des écrans a des effets néfastes sur les résultats scolaires, parce que cela joue sur le temps consacré aux devoirs, et sur la durée et la qualité du sommeil. » Une consommation trop importante et trop précoce des outils numériques possède également des effets négatifs sur le langage et la lecture, ainsi que sur la qualité de l’attention.
Séverine Lejeune, pédopsychiatre lyonnaise, abonde : « La surexposition aux écrans des jeunes enfants provoque des troubles de la régulation émotionnelle, des retards de langage, du surpoids lié à la sédentarité. Et il existe une forme d’irréversibilité. » souligne-t-elle.
Alain Bentolila, linguiste (université Paris Descartes), président du conseil scientifique des Maisons Don Bosco, évoque deux dangers majeurs. D’abord les algorithmes, « qui prétendent nous connaître mieux que nous et qui nous enferment. ». Rappelons qu’au contraire, la lecture, c’est se créer des images avec les mots d’un autre, c’est la découverte, c’est tout l’inverse des algorithmes. Ensuite l’addiction aux images. « Cette idée que je ne crois que ce que je vois et, pire encore, je n’existe que parce que je suis vu, c’est tout l’opposé de la pensée scientifique, qui est : Méfie-toi de ce que tu vois, méfies-toi des apparences. »

 

Quelles réponses offre la pédagogie salésienne ?
Don Bosco nous demande d’être présent là où sont les jeunes. L’éducateur salésien est appelé à investir du temps sur la présence dans la cour de récréation. Aujourd’hui, le numérique est là. Aussi s’agit-il pour l’éducateur d’être présent. Sr Anne Flore Magnan, salésienne, ouvre deux pistes : une éducation de la parole et une éducation au choix. La parole tout d’abord : dialoguons avec l’enfant. Quand il rentre d’une activité sportive, il raconte ce qu’il a vécu. Quand il pose son téléphone, on peut l’interroger sur ce qu’il a fait, ce à quoi il joue, ce qu’il montre de lui, ce qu’il consomme. Le choix ensuite : faire comprendre au jeune que le temps est contraint, que le temps passé sur l’écran, c’est du temps en moins pour d’autres activités : « Ne laissons pas youtube être la nounou ou l’éducateur de nos enfants. » disait-elle.
Bruno Germain, enseignant chercheur, conclut alors en prônant une utilisation raisonnable et raisonné du numérique. « Il faut apprendre aux enfants à maîtriser l’outil, pour devenir celui qui contrôle l’outil et non celui qui est contrôlé par l’outil. Oui au numérique, pourvu qu’il n’écarte pas le bien-être personnel, l’esprit citoyen, le libre-arbitre. »

 

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