De la peine à la sanction

La Chronique des Salésiens: cette semaine, soeur Catherine Fino, salésienne de Don Bosco, théologienne à l’Institut Catholique de Paris, nous propose : « De la peine à la sanction ».

le Vendredi 09 déc 2022

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La semaine dernière, je participais à un colloque de la Fondation Jean Rodhain sur un thème suggestif pour les éducateurs : « De la peine à la sanction ». Lorsque la privation de liberté imposée aux détenus renforce leur pauvreté culturelle et pécuniaire et dissout les relations familiales ou professionnelles, comment faire pour penser une sanction qui prépare leur réinsertion au lieu de les enfoncer dans une précarité qui favorise la violence et la récidive ?

 

Et cela donne à penser du point de vue éducatif ?
Cela suggère qu’il faut tenir ensemble les deux fonctions de la punition : le versant de la peine et le versant de la socialisation. Le premier versant confère déjà du sens à la punition : il s’agit de marquer un coup d’arrêt à un comportement déviant ou violent, de sécuriser la société et les victimes en restaurant le respect de la loi, et même de protéger le jeune contre sa propre violence qu’il ne maitrise pas. Mais la punition doit être juste, c’est-à-dire proportionnée à la faute, aux circonstances et au degré de responsabilité de son auteur. Premier défi éducatif !

 

Que voulez-vous dire ?
Don Bosco se donnait comme règle d’action de « ne jamais punir tant qu’il était en colère », ce qui n’est pas si simple ! Il faut que le jeune puisse comprendre la punition, qu’on en ait discuté calmement avec lui. Pour le convaincre que l’éducateur veut son bien, il faut que l’autorité vécue au quotidien soit d’abord celle qui autorise et accompagne sa croissance en autonomie. Et pour les détenus, que la vie en prison ne supprime pas l’exercice de toute responsabilité afin qu’ils puissent restaurer leur estime d’eux-mêmes et la confiance qu’on leur pourra leur accorder à l’avenir. Mais le versant de la justice rétributive ne suffit pas pour restaurer le lien social.

 

Que faut-il ajouter pour cela ?
Aujourd’hui, on parle de justice restaurative, afin de mieux prendre en compte l’avenir des personnes, du coupable et des victimes, et le tort fait à la société. L’approche restaurative privilégie d’abord la réparation des dommages (physiques, psychiques, matériels…). S’engager à réparer exprime le désir de restaurer la relation avec celui ou ceux qu’on a lésé. Mais il faut dialoguer pour que le jeune prenne conscience du vécu de celui qui a subi sa violence. Il faut parfois – souvent – commencer par apprendre à communiquer de manière non violente pour récupérer la capacité d’éprouver de l’empathie pour l’autre. Enfin, lorsque la sanction était recherchée comme affirmation de courage et de virilité, ce que Sylvie Ayral constate au collège, il faut pouvoir découvrir et privilégier d’autres valeurs sources d’estime réciproque, en se motivant pour des projets où le bien commun et la solidarité prennent du sens.

Tout le monde, le jeune sanctionné, les autres jeunes et les adultes, doivent donc s’y mettre ?
Oui, on ne devient pas solidaire tout seul ! Restaurer la qualité du lien social suppose aussi un suivi de la famille, du quartier, etc., c’est-à-dire une collaboration de tous les acteurs socioéducatifs, ce qui demande du temps. Peut-être pourrait-on penser la peine comme la durée nécessaire à la reconstruction des relations, et sa finalité comme la restauration de la liberté d’aimer ?

 

Catherine Fino

 

1. Karen Gloy, « Les types fondamentaux des accès culturels à la nature », dans Dominique Bourg et Philippe Roch, Crise écologique, crise des valeurs ? Défi pour l’anthropologie et la spiritualité, Genève, Labor et fides, 2010, p. 235-246.
2. Georges Bachelard, La terre et les rêveries de la volonté, José Corti, 1947, 2004, p. 130.

 

Extrait de RCF.