Promouvoir les personnes et sortir de la défensive

La Chronique des Salésiens: cette semaine, le Soeur Catherine Fino, salésienne de Son Bosco,théologienne à l’Institut Catholique de Paris, présente le rôle important des révélateurs de talent pour nos enfants.

le Mercredi 20 oct 2021

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L'hommage rendu à Samuel Paty a souligné le travail d'accompagnement des jeunes et des mesures de protection prises vis à vis des professeurs exposés aux tensions inter-religieuses dans leur établissement, en pensant au programme prescrit par le pape François pour juguler d'autres violences, accueillir, protéger, promouvoir, intégrer, je ne peux que constater que les jeunes que l'on caractérise par leurs différences culturelles ou religieuses ne se sentent pas vraiment intégrés et du coup, je regarde le 3e verbe. Dans cette situation, que signifie "promouvoir"?

 

Promouvoir des valeurs, comme la fraternité ou promouvoir des personnes pour empêcher qu'elles ne recourent à la violence pour se faire entendre?

 

Dans l'optique du pape François, il s'agit de promouvoir des personnes. Par exemple des jeunes dont l'estime de soi est fragile. Que peut-on leur donner à vivre qui les mette en valeur à leur propres yeux et à ceux des autres ou des jeunes qui se disent en échec vis à vis d'autres jeunes dans un monde concurrentiel et qui pensent se protéger en s'unissant pour attaquer les premiers.

Il ne s'agit surtout pas de rêver un autre monde et de renoncer à leur donner le maximum de ressources pour faire face à la concurrence mais de trouver une pédagogie telle qu'ils expérimentent que le travail en collaboration, précisément grâce à la diversité des origines, fait gagner chacun en compétences et en efficacité.

 

Ne faut-il pas inclure dans ce chemin de promotion, les professeurs et toute la communauté éducative, à commencer par les autres collégiens et leurs familles?

 

Oui car tous tendent à devenir des jeunes et des adultes sur la défensive et la piste ici n'est pas de renoncer à se protéger mais bien paradoxalement de se protéger ensemble de la tentation de la violence. Le témoignage du dialogue inter-religieux est significatif. Au bout de plusieurs années, les bouddhistes et les chrétiens n'ont pas pleinement saisi la pensée de l'autre, le sens des mots, mais chacun ressent avoir progressé dans sa propre foi ou encore de jeunes chrétiens reviennent d'un séjour humanitaire en pays d'Islam et témoignent d'avoir été saisis par la foi des musulmans et relancés dans leur propre chemin de foi. Il s'agit de faire faire l'expérience de la richesse d'une rencontre, en profondeur, sans crainte d'être contraint à adopter la pensée de l'autre, l'adulte peut y veiller, et d'en sortir enrichi alors même que nos convictions sont contradictoires.

 

L'exemple de la foi n'est-il pas mal choisi car le contexte scolaire impose le refus du prosélytisme?

 

Oui, l'enseignement scolaire se limite à des données historiques, sociologiques, objectives, mais du coup les collégiens ne savent pas comment gérer un dialogue sur la foi des uns ou des autres. Or, il faut découvrir que le prosélytisme est non seulement écarté comme une manipulation ou une contrainte mais aussi parce qu'il m'empêche précisément d'entrer dans ce dialogue en profondeur, où nous pourrions découvrir le paradoxe de l'enrichissement réciproque à partir de nos différences.

 

Retrouvez l'interview de Soeur Catherine Fino sur RCF.