La semaine dernière, j’entends une discussion animée à la radio, entre un journaliste qui exprime sa compassion pour ce jeune de 18 ans désireux d’aventure embarqué dans un sous-marin insuffisamment testé et sécurisé, et l’autre qui s’indigne parce que nous n’avons pas exprimé autant de compassion pour la centaine ou plus de femmes et d’enfants noyés au large de la Grèce, enfermés dans les cales d’un bateau bien trop vieux et surchargé. Deux échos sinistres au naufrage du Titanic, et à la loi du profit qui prévaut sur les droits humains.
Comment comprendre cette fragilité de nos « bons sentiments » selon les circonstances ?
Cette indifférence pourrait venir d’une incapacité à s’imaginer à la place de l’autre, qui subit dont nous devons à tout prix nous protéger ou protéger nos proches : la pauvreté et l’insécurité extrême, l’invisibilisation aux portes d’une société étrangère, et nous nous recentrons sur ce devoir de protection. Il pourrait aussi s’agir d’une culpabilité et d’un découragement en ressentant le caractère dérisoire de nos actions, face à ces tragédies politiques et économiques.
Mais alors, comment restaurer notre empathie, notre capacité de résonance ?
La résonance peut se définir comme une capacité à vibrer à l’unisson du monde qui nous entoure, à ressentir une interdépendance avec l’ensemble du cosmos ou de l’humanité. Et du coup, l’ampleur de la résonance m’apprend que je ne peux jamais tout faire, être responsable ou coupable de tout ; mais aussi que j’interfère toujours avec mon milieu de vie et avec mon prochain, celui dont je peux ou non me faire proche, comme nous y invite la parabole du Bon samaritain. Un monde plus sécure, c’est un monde dans lequel nous ressentons que nous pouvons compter les uns sur les autres, pour nous porter secours et chercher ensemble l’auberge la plus proche. La bonne nouvelle, c’est que chacun d’entre nous est responsable de sa petite contribution à l’humanisation de son « voisinage », même sans beaucoup de moyens.
Et qu’en pensent les éducateurs ?
Les jeunes sont souvent généreux, mais ils peuvent se tromper de priorité en recherchant la réussite individuelle, le pouvoir et l’argent. Il s’agit d’abord de soigner une qualité d’être en résonance, qui peut se travailler partout, et un art de s’arrimer les uns aux autres entre « prochains » pour construire ensemble des réseaux solidaires et accueillant, et pas seulement envers ceux qui me ressemblent ou ressemblent à ce que je voudrais être ! Cela change tout de suite notre réseau d’amis et d’influenceurs : nous sommes en réseau en regardant autour de nous sur la plage ou dans le bus, autant qu’en regardant notre smartphone ; nous devenons « influenceur » par le sourire adressé à la personne qui nous précède dans la file d’attente autant que par le « profil » présenté sur les réseaux. Et nous pouvons vibrer avec un fils de charpentier (milieu relativement aisé à l’époque de Jésus) prêt à s’aventurer sur des routes insécures au risque de sa vie, et quelques années plus tard avec le prédicateur qui n’avait « pas de pierre où poser la tête », mais un don d’empathie et le désir de nous mettre en connexion avec son Père, au sein d’une communauté envoyée sans cesse plus loin aux périphéries du monde.
Catherine Fino