Ce texte est le témoignage d'un jeune MNA (Mineur Non Accompagné) accueilli à la maison du Bocage, élève en seconde SAPAT au Lycée Professionnel Agricole de Cognin, lycée des métiers des services en Savoie. Il a été rédigé dans le cadre d’un contrôle en cours de formation (CCF), en matières professionnelles, avec un objectif double : savoir se situer dans son parcours personnel (passé, présent et futur), et réfléchir à son orientation dans le cadre de la construction du projet professionnel, notamment en lien avec Parcoursup.
Alphonse* a accepté de nous le partager ici.
"Il y a des parcours simples, droits. Et puis, il y a ceux qui avancent avec des détours, des efforts silencieux, des obstacles qu’on dépasse un par un. Le mien fait partie de cette deuxième catégorie. Je n’ai pas eu un parcours tout tracé. J’ai dû m’adapter, apprendre vite, souvent seul. Je suis arrivé dans un pays que je ne connaissais pas, avec une langue différente, une nouvelle culture. Il a fallu que je m’intègre, que je me fasse une place. Et ça, ça m’a forgé.
Alors aujourd’hui, je veux vous raconter un bout de mon chemin. Parce que derrière mon projet professionnel, il y a tout un parcours personnel, qui compte autant que mes notes.
Je viens d’un autre pays, d’une autre culture, et arriver ici n’a pas été facile. Il a fallu s’adapter vite, apprendre, comprendre comment fonctionne l’école, et même parfois comment fonctionnent les gens. Et en même temps, il fallait garder la tête haute, avancer, rester motivé, même quand ce n’était pas évident.
Mais quelque part, c’est dans ce parcours un peu chaotique que je me suis découvert. J’ai appris à observer, à être discret, à écouter avant de parler. Et petit à petit, une envie s’est installée : celle de faire du bien autour de moi. D’être utile. D’aider, comme d’autres m’ont aidé.
Si je devais résumer mon parcours professionnel, je dirais que tout part d’un rêve : celui d’être utile. Être utile aux autres, être présent dans les moments où ils sont les plus vulnérables. Ce n’est pas une idée qui m’est venue d’un coup. C’est un chemin de vie, une construction, faite d’observations, parfois de douleurs, mais aussi d’espoir.
Mon arbre de vie, je l’ai dessiné avec mes mains, mais il vient de mon cœur.
Dans mes racines, il y a ma famille, le partage, le sport, les gens de bonne volonté, mais aussi la nécessité de m’adapter, de me battre pour être accepté.
Mes racines, ce sont aussi mes valeurs : le respect, l’humilité, la discrétion. Des valeurs que je tiens de mon parcours de jeune arrivé d’un autre pays, avec l’envie de réussir.
Dans le tronc de mon arbre, il y a ce que je suis aujourd’hui : observateur, discret, patient, mais aussi déterminé.
Et dans les branches, il y a mes rêves : fonder une famille, devenir infirmier, être heureux, voyager, rendre ma famille fière.
Et un rêve plus grand encore : faire le bien autour de moi, à ma manière.
Ce rêve, je l’ai nourri à travers mon chemin de vie, marqué par l’obligation de m’adapter rapidement. J’ai quitté mon pays jeune, et ici, j’ai dû comprendre un nouveau monde. Il m’a fallu apprendre, comprendre des codes différents, gagner ma place. Mais je n’ai jamais abandonné.
À travers ma formation en SAPAT, j’ai découvert que mon envie d’aider les autres pouvait devenir un métier.
Les stages en EHPAD, à l’école, ou dans le social m’ont permis de me sentir à ma place.
J’ai vu que je pouvais faire du bien, que je pouvais être utile, même avec de simples gestes, une écoute, une présence.
Mon expérience dans l’animation en EHPAD m’a profondément touché. J’ai vu combien une activité simple pouvait redonner le sourire à une personne âgée.
J’ai compris ainsi que je voulais faire plus. Pas seulement accompagner, mais soigner. Soulager. Être là dans les moments critiques.
Mais ce chemin n’est pas sans contraintes. Il y a des obstacles : des démarches administratives, des questions de financement, le stress, la peur de ne pas être à la hauteur… tout cela fait partie de mon quotidien.
Et pourtant, je tiens. Parce que je suis bien entouré au Bocage et au lycée. J’ai des enseignants qui croient en moi, des éducateurs qui m’accompagnent, et surtout une envie profonde de réussir.
Et puis, il y a eu le portrait chinois. Un exercice qui peut sembler léger, mais qui m’a vraiment parlé.
Si j’étais un animal, j’ai choisi le chat : pour sa discrétion, son calme, son côté observateur.
Si j’étais une couleur, ce serait le bleu : pour la paix, la profondeur.
Et si j’étais un métier, évidemment, ce serait un métier du soin. Parce que c’est ce que je veux faire de ma vie.
Aujourd’hui, je suis clair sur mon objectif : intégrer un IFSI pour devenir infirmier.
Et si ce n’est pas possible tout de suite, je deviendrai aide-soignant. Ce sera une étape, pas une fin.
Car j’ai compris que dans la vie, on avance étape par étape. Parfois, on ne saute pas directement à la ligne d’arrivée.
Je sais que ce métier demande beaucoup : de l’endurance, une bonne gestion du stress, un esprit d’équipe, une rigueur constante.
Mais je crois que j’ai les qualités pour y arriver, ou que je peux les acquérir. Ce que j’ai vécu m’a forgé. Je suis prêt à m’engager, à apprendre, à grandir encore.
Et même si je n’ai pas encore tout ce qu’il faut aujourd’hui, j’ai l’essentiel :
La volonté, la capacité à me remettre en question, et cette envie profonde de faire quelque chose de bien pour les autres.
Je crois en ce que je fais.
Je ne cherche pas à impressionner, je cherche juste à construire un avenir qui a du sens.
Un avenir où je pourrais me lever chaque matin en me disant :
Je suis à ma place.
Et je veux montrer que mon parcours, même s’il est plein de défis, m’a préparé à faire ce métier.
Que j’ai les qualités humaines, la motivation et la force pour y arriver.
Voilà.
Je ne suis pas parfait, mais je travaille — pas pour devenir parfait, mais pour devenir meilleur que ce que j’étais.
Et je crois que c’est ça, le plus important.
Merci de m’avoir écouté.
* Le prénom du jeune a été modifié par souci de confidentialité.
Photo de Felix Mittermeier (Pexels)